Nous avons souvent des polices d’écritures que l’on préfère à d’autres, que ce soit pour des questions sentimentales, d’habitude ou de lisibilité. La police est également un des éléments clés lors de la création de l’identité visuelle de votre marque. Derrière chaque typographie se cache une histoire ainsi qu’un ou plusieurs créateurs qui ont contribué à la renommée de chacune d’entre elles. S’il est impossible de revenir sur la genèse et le destin marquant de chacune, voici une sélection des typographies qui ont visuellement façonné le XXe siècle.
Otto Weisert imagine cette police d’écriture au début du XXe siècle. Il la nomme en hommage à Arnold Böcklin, artiste Suisse mort trois ans plus tôt. Son style résolument Art nouveau se caractérise par un lettrage aux formes arrondies, comprenant des arabesques aussi bien sur les minuscules que les majuscules. L’intérêt retrouvé pour l’Art nouveau dans les années 1960-1970 participe grandement à la popularité de cette typographie. Aujourd’hui, Arnold Böcklin est la propriété de la compagnie américaine Mergenthaler Linotype Company, rebaptisée Monotype GmbH en 2013.
Arnold Böcklin, 1904 — par Liftarn , Domaine public, commons.wikimedia.org
Une commande est passée en 1913 au calligraphe Edward Johnston par Frank Pick, administrateur du métro de Londres. Ce dernier souhaite une police réservée à la signalétique du métro qui ne serait pas confondue avec des publicités. Véritable identité visuelle du métro londonien, elle est utilisée et diffusée à partir de 1916. Redessinée en 1979 par Eiichi Kono à l’occasion de son passage à la photocomposition, elle est baptisée New Johnston. Pour célébrer le centenaire de la police, une nouvelle version appelée Johnston 100 est conçue. Plus proche de la version originale, elle a pour but de refléter les intentions premières de son créateur.
Underground ou Johnston, 1916 — Par Bdgzczy, Domaine public, commons.wikimedia.org
Herbert Bayer intègre l’école d’architecture et d’arts appliqués, le Bauhaus, à Weimar en Allemagne en 1921. Encouragé par ses professeurs à explorer le design graphique et la typographie qu’il apprécie beaucoup, il crée son propre studio et commence à travailler sur une typographie qui ne comporte que des minuscules, l’Universal. Éloignée des polices germaniques utilisées pour la propagande nationaliste, c’est une police linéale déclinée en plusieurs versions au fur et à mesure des années. Composée de traits d’épaisseur uniforme et de parfaits cercles, une version plus moderne de Bauhaus est réalisée par Ed Benguiat et Victor Caruso en 1975.
Bauhaus, 1925 — Par Lebetonbrut, Domaine public, commons.wikimedia.org
Iconiques, ces caractères ont été créés par Stanley Morison et Victor Lardent pour le journal britannique The Times en 1931. Il s’agit probablement d’une des polices d’écriture les plus utilisées dans le monde ! Cette typo avec empattement est en effet configurée sur la plupart des systèmes d’exploitation utilisant des caractères latins, la rendant ainsi accessible et populaire. Son but premier était d’augmenter la lisibilité des articles du journal, alors imprimés sur un papier peu qualitatif.
Times New Roman, 1931 — Par Rbpolsenderivative, Domaine public, commons.wikimedia.org
Cette police trouve son inspiration dans le style Art déco qui se développe en France à l’occasion de l’exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925. L’identité Art déco s’affine jusqu’à la décennie suivante où elle devient totale : mobilier, art de la table, architecture et affiche, jusqu’à la typographie Peignot créée par Cassandre, artiste français à l’origine du logo entrelacé d’Yves Saint-Laurent. Cassandre s’inspire des calligraphies du Moyen-Âge qui associent des caractères minuscules et majuscules. Les hampes et jambages, ainsi que l’épaisseur des traits de certaines lettres en font une typographie très reconnaissable. Cette typo revêt des accents parisiens dans l’imaginaire collectif grâce à l’Exposition universelle de Paris en 1937 où elle est choisie pour les catalogues et les panneaux de signalisation.
Peignot, 1937 — par J4lambert, Domaine public, commons.wikimedia.org
Dessinée en 1942 par Robert E. Smith pour American Type Founders, c’est la première police imitant une écriture manuscrite. Très réussie, elle devient populaire dès sa création et orne plusieurs centaines d’affiches publicitaires des années 1940 à 1950. Présente dans les principaux logiciels de traitement de texte, de nos jours elle trouve un regain de popularité, de par son évocation de la période d’après-guerre qui l’ancre dans une période historique propre.
Brush Script, 1942 — Par GearedBull, Domaine public, commons.wikimedia.org
Un nouveau style voit le jour au milieu des années 1950, le style suisse. Deux polices sont indissociables de cette mouvance : l’Univers et l’Helvetica, initialement connue sous le nom de Neue Haas Grotesk jusqu’en 1960. Fruit de l’association d’Eduard Hoffman et de Max Miedinger, elle change de nom pour devenir Helvetica (d’après le nom latin de la Suisse) à sa commercialisation par la fonderie allemande D. Stemple AG. Connaissant un pic de popularité chez les graphistes dans les années 60 et 70, elle reste encore très utilisée du fait de sa présence dans les logiciels de traitement de texte.
Helvetica, 1957 — Par GearedBull Jim Hood, Domaine public, commons.wikimedia.org
Police française créée par Roger Excoffon, l’Antique Olive est une commande de la fonderie Olive dont elle tire son nom. Loin d’être une “vieille” police, le terme Antique désigne qu’il s’agit d’une police sans empattement. Déclinée en neuf variations (Light, Italic, Bold, Compact, etc) la fonderie Olive espère bien concurrencer la très utilisée Helvetica. Si le succès rencontré n’est pas celui escompté, cette typographie reste très appréciée dans le monde de l’affichage, de la publicité et de la signalisation où elle est le plus utilisée. Air France l’utilisera d’ailleurs pour son logo pendant plus de 50 ans.
Antique Olive, 1962-1966 — Par Fleshgrinder, Domaine public, commons.wikimedia.org
Dessinée par Joel Kaden et Tony Stan en 1974 pour ITC (International Typeface Corporation) elle rappelle les caractères des machines à écrire, suggérant ainsi une image ancienne ou industrielle de celui qui l’utilise. Son utilisation est assez répandue aux États-Unis où on la trouve aussi bien dans des grands magasins (la signalisation dans Tesco) que pour des logos de séries télévisées (The Office et plus récemment Young Sheldon). Son utilisation la plus célèbre reste toutefois le logo de la ville de New York créé en 1977 par Milton Glaser “I Love New York”.
American Typewriter, 1974 — Par Damërung, Domaine public, commons.wikimedia.org
Robin Nicholas et Patricia Saunders imaginent cette police d’écriture en 1982 pour Monotype. Initialement destinée aux premières imprimantes laser d’IBM, sa popularité tient sans doute au fait qu’elle est rapidement intégrée par défaut aux systèmes d’exploitation Windows (depuis 1992) et Mac OS X (depuis le début des années 2000). Un peu délaissée par les graphistes du fait de sa grande popularité, elle reste cependant une police très bien conçue qui propose un large choix de styles et de graisses (épaisseur d’un trait ou d’un caractère). En dehors de quelques différences assez subtiles (les “R” par exemple), les proportions d’Arial font penser à celles d’Helvetica.
Arial, 1982 — Auteur inconnu, Public Domain, commons.wikimedia.org
Cette police d’écriture a quasiment traversé le XXe siècle. Conçue à l’origine pour le Deutsches Institut für Normung (DIN), la DIN 1451 est imaginée dans les années 1930. Sa polyvalence, qui convient aussi bien pour les dessins techniques que la signalétique, explique pourquoi elle a été choisie en Allemagne pour tous les affichages publics. Son intégration en 1990 au catalogue des polices d’Adobe et de Linotype (sous le nom de DIN Mittelschrift) contribue à sa diffusion. On doit à Albert-Jan Pool l’élargissement de la gamme des caractères en 1994, qui sont ensuite diffusés par la fonderie allemande FontShop qui revend des polices numériques.
FF DIN, 1994 — Par GearedBull, Domaine public, commons.wikimedia.org
Les typographies ont toujours joué un rôle important de la stratégie de marque des entreprises. Appréciées pour leur côté technique ou les sentiments qu’elles inspirent, certaines sont le fruit d’une demande spécifique comme c’est le cas pour le métro londonien ou le journal The Times et ses contraintes de lisibilité sur un papier de faible qualité. Les exigences d’aujourd’hui ne relèvent plus uniquement du support imprimé, mais concernent également la préservation des ressources présentes dans l’environnement. Cette nécessité de remettre au cœur de nos préoccupations l’humain et la nature trouve un début de réponse dans l’éco-typographie.
Sensible aux questions environnementales, je propose de la mise en page éco-conçue, en fonction de l’objectif et du mode de diffusion du support. Je vous conseille sur le format et j’optimise le contenu et le design pour limiter les impacts. Pour les ebooks j’ajoute une nomenclature afin de permettre d’imprimer avec le moins d’encre possible. Contactez-moi pour discuter de votre prochain support de communication éco-conçu !
Article rédigé par Manon SALLEY, merci à toi pour ta contribution à ce blog par tes connaissances en Histoire de l’Art, domaine qui m’inspire et me fascine depuis si longtemps.