Depuis que l’humain s’exerce à l’art, un sujet revient de manière récurrente, quelles que soient les époques, les styles ou les supports. C’est celui des animaux. Connaissant des périodes plus ou moins fastes, les animaux ont toujours fait partie des représentations artistiques, qu’ils soient au premier plan ou non. Retour sur une très brève histoire des animaux dans l’art et sur l’évolution du sujet jusqu’à nos jours.
À l’époque du Paléolithique supérieur, les grottes de Lascaux en Dordogne se parent de nombreuses représentations animales. D’une grande importance, cette grotte est de surcroît appelée “la chapelle Sixtine de l’art pariétal”. Cette grotte abrite des représentations diverses et variées d’animaux vivant à cette époque. C’est le cas dans la salle des Taureaux où se côtoient des peintures d’aurochs (ancêtres disparus des bovins domestiques), de chevaux, de cerfs et d’un ours. Quant au Diverticule des Félins, il porte ce nom en raison du groupe de félins qui y est sculpté. Bien que le style soit assez naïf, on peut apercevoir que l’un d’eux semble même uriner pour marquer son territoire ! D’autres animaux y sont également figurés, comme un cheval représenté de face.
La figure féline est souvent utilisée dans les représentations artistiques. L’Égypte est ainsi une grande source de figurations animales en raison des significations religieuses qui y étaient associées. La déesse Bastet est la protectrice du foyer, de la maternité, des enfants et des femmes enceintes. Représentée avec une tête de chat sur un corps de femme, un culte particulier lui est voué. Elle est intimement associée à Sekhmet, la déesse guerrière à tête de lionne. Ces deux représentations de félins symbolisent la chaleur d’un foyer, l’amour maternel autant que la férocité intrinsèque dont les fauves peuvent faire preuve, un peu comme un pendant bienveillant et destructeur à la fois. La figure mythologique du Sphinx, un lion à tête d’homme est en outre une création égyptienne. D’abord protecteur, il devient par la suite un simple motif décoratif.
Le bestiaire médiéval est très riche. Ce terme désigne d’ailleurs un manuscrit compilant des fables et des leçons de morale mettant en scène des animaux. Les animaux ont couramment une fonction allégorique. La symbolique positive du lion renvoie au symbolisme religieux du croyant se battant pour sa foi et contre le péché. L’imagination des sculpteurs côtoie donc des représentations plus réalistes d’animaux. Les sujets traditionnels comme l’épisode de Daniel dans la fosse aux lions fréquentent des récits fantastiques mêlant dragons et licornes. On peut notamment citer la légende de saint Georges et le Dragon, qu’il terrasse pour sauver le peuple des griffes d’un dragon oppressant. La licorne quant à elle, est l’animal fantastique le plus fréquemment mentionné entre le Moyen Âge et la Renaissance. Une des représentations les plus célèbres dans la culture populaire est la tenture de la Dame à la licorne. Cette œuvre, réalisée sur plusieurs tapisseries, représente notamment une allégorie des cinq sens.
Si la période médiévale se pare de nombreuses représentations d’animaux, celles-ci ont en commun que les animaux sont présents afin de servir le récit. Ils ne sont pas le sujet principal de l’œuvre, mais bien un faire-valoir. De plus, à la différence des animaux domestiques, les peintres doivent généralement peindre d’après l’imaginaire les animaux sauvages, tels les fauves. Cette conception est cependant remise en cause grâce à Jacopo Bassano, peintre italien né en 1510. Il est considéré comme le premier peintre animalier à l’origine d’un nouveau genre pictural : la peinture animalière. 200 ans avant Jean-Baptiste Oudry (peintre connu pour ses natures mortes animalières et ses peintures de chiens de chasse), il peint un portrait ayant pour seul modèle des chiens. Réalisé en 1548, Deux chiens de chasse liés à une souche, est une remarquable évolution des représentations animales en art. Ils ne servent plus le décor en arrière-plan, mais font bien l’objet de toute la composition picturale. Il n’y a rien d’autre à voir qu’eux. S’inspirant probablement de ses propres chiens, Bassano ouvre la voie à une spécialité à part entière, dont de nombreux artistes se revendiquent. Le XVIIIe siècle est un siècle où le réalisme est important : les peintres sont en quête d’exactitude et disposent des zoos et ménageries pour observer et croquer de vrais sujets, ce qui participe indéniablement à l’essor du genre.
Par la suite, d’autres artistes contemporains exécutent aussi des œuvres ayant pour thème les animaux. Certains en font leur spécialité, à l’image de Rosa Bonheur et Franz Marc, qui représente surtout des chevaux dans un style expressionniste coloré. Le sculpteur Antoine-Louis Barye est également connu pour ses sculptures animalières. D’autres artistes prendront pour sujet des animaux à un moment de leur carrière. Citons en exemple Eugène Delacroix qui aimait beaucoup les félins. Il entame un travail sur le thème de la chasse aux fauves, sous l’impulsion de l’œuvre de Rubens qu’il admire. En résulte la toile qu’il présente à l’Exposition Universelle en 1855, La chasse aux lions. Le sculpteur Auguste Bartholdi, père de la Statue de la Liberté, se tourne également vers le motif du lion pour l’hommage qu’il rend aux défenseurs de la ville de Belfort, assiégée pendant la guerre franco-allemande de 1870. Ce lion colossal est harcelé de toute part, mais son énergie combative ne faiblit pas. Il se dresse, très fier et prêt à rugir, arrêtant de sa patte une flèche ennemie. Théophile Alexandre Steinlen quant à lui se fait spécialiste d’un autre genre de félin, le chat ! Il les dessine sur différents supports (publicités, affiches, peintures et lithographies). Son œuvre est devenue populaire, notamment grâce à l’affiche de la Tournée du Chat noir réalisée en 1896 pour le cabaret parisien du même nom.
Le thème des animaux a connu des fluctuations au cours des siècles. D’abord presque exclusif dans les peintures rupestres, il est devenu secondaire, voire anodin dans les tableaux figuratifs du début des Temps Modernes. Élément d’étude ou accessoires dans la composition, il retrouve pleinement la distinction qu’il mérite grâce aux artistes qui en font leur domaine de prédilection. Comment ce sujet est-il désormais traité au XXIe siècle ?
Artur Bordalo est un artiste portugais qui sculpte des animaux en très grand format à partir de plastique et autres déchets. Les animaux, au regard souvent saisissant, s’installent sur les murs dans l’espace urbain afin d’être à la portée de tous. Bien plus qu’une simple exposition, c’est un véritable manifeste qui incite les passants à se questionner sur la surconsommation et la pollution engendrée par ces dérives. Pour l’artiste, c’est un bon moyen d’interpeller le public sur les enjeux écologiques au travers de ses “trash animals”.
Bordalo II, Half Lion, 2018, cc b0rdalo_ii sur Instagram
Plus farfelu mais très réjouissant, le compte Instagram Fat Cat Art met en scène Zarathustra, un beau chat roux. La côte de popularité des chats ne faiblit pas sur Internet, et la propriétaire de Zarathustra l’a bien compris ! Svetlana Petrova s’amuse à repenser certains chefs-d’œuvre de l’art pour y faire participer son chat. Le résultat, assez bluffant, est très divertissant ! Les plus grands maîtres voient leurs tableaux squattés par un gros chat roux ! Parmi eux : Léonard de Vinci, Caravage et Michel-Ange ou encore Howard Miller et Théophile Steinlen ainsi que beaucoup d’autres à retrouver sur son compte Instagram !
Il est indéniable que les animaux sont une grande source d’inspiration pour l’humain. Les civilisations les plus anciennes les érigent parfois au rang de demi-dieux. Ils accompagnent le quotidien des populations médiévales et envahissent l’imaginaire collectif grâce aux contes et légendes. Un nouveau genre pictural voit le jour, redonnant ses lettres de noblesse aux animaux qui deviennent les acteurs principaux des œuvres. De tout temps choisi pour la symbolique qu’ils représentent, c’est encore le cas aujourd’hui grâce à des artistes engagés qui interpellent les passants sur le devenir des animaux dans leur habitat naturel, ravagé par l’humain qui piétine l’environnement. Pour autant, les Lolcats qui envahissent les réseaux sociaux n’ont pas fini de nous faire rire grâce aux talents de leurs maîtres qui parviennent avec beaucoup de dextérité à saisir l’humour dont ils savent faire preuve.
Article rédigé par Manon SALLEY, merci à toi pour ta contribution à ce blog par tes connaissances en Histoire de l’Art, domaine qui m’inspire et me fascine depuis si longtemps.